Bye-bye jouets!
Par Marius Bulota
Qui dit enfant, dit jouets et beaucoup de jouets! Je viens de passer chez une famille de parfaits inconnus chez qui j’ai trouvé ce que je cherchais sur Kijiji, et je vous assure qu’il m’aurait fallu des bottes de chantier et un casque pour traverser leur salon! Il y avait tant de jouets que ça en était dangereux!
Il n’y a pas que le danger que j’associe aux jouets qui traînent. Pour les parents, les jouets représentent aussi une énorme source de perte de temps. Nous avons vraiment d’autres choses à faire que de ramasser les jouets de nos enfants tous les jours. Une étude britannique (The Telegraph) indique qu’un enfant possède en moyenne 238 jouets, alors qu’il n’en utilise pas plus de 12 dans une journée. Avez-vous fait le décompte? Combien de jouets est-ce qu’il y a chez vous? J’estime que nous passons environ 30 minutes par jour à ramasser des jouets, probablement même plus les fins de semaines. Calculez! Cela correspond à 182 heures par année, ou presque 5 semaines de travail à temps plein! Bien sûr, certains parmi vous dirons : « Bah, tu n’as qu’à les laisser traîner! » Mais est-ce vraiment l’exemple que nous voulons donner à nos enfants
La gestion des jouets a été pour nous un des éléments déclencheurs pour adopter l’approche Montessori. Ce fût en quelques sortes la source pour nos premiers gestes concrets pour nous rapprocher des principes Montessori. En adoptant quelques principes de base, nous sommes parvenus à éradiquer ce problème de surplus de jouets dans notre vie. En plus, nous avons découvert un tas d’avantages bénéfiques pour le développement de nos enfants avec cette gestion de jouets. Posez-vous ces quelques grandes questions et suivez notre démarche. Vous allez pouvoir récupérer bien des heures de temps!
Pourquoi des jouets?
La première question qu’on doit se poser est celle-ci: « à quoi servent ces jouets? » Maria Montessori, cette italienne qui a fondé la méthode Montessori, disait que les enfants de 0 à 3 ans n’aiment pas jouer. C’est curieux à entendre, mais selon elle, au cours de ces phases du développement de l’enfant, un jouet devrait plutôt s’appeler un outil. Elle nous explique aussi qu’on ne devrait pas dire qu’un enfant joue, mais plutôt qu’il travaille. Au quotidien, son travail consiste à découvrir la vie.
Il faut y réfléchir: si vous êtes parent de jeunes enfants, vous avez sûrement remarqué à quel point un enfant peut passer un temps fou à utiliser un jouet sans avoir quelconque idée de son utilité. Plus flagrant encore: vous avez sûrement constaté qu’un enfant n’utilise quasi jamais un jouet avec la fonction première pour laquelle il a été conçu! Nous avons tous donné à un bambin de 12 mois des blocs à empiler et avons constaté qu’il passe 100% du temps à mettre les blocs dans sa bouche ou les cogner ensemble, ce qui est loin du but de ces blocs!
Il faut donc débuter en se disant qu’un jouet, ou un outil, a une fonction de développement chez l’enfant. Le but est donc de cibler d’une part le besoin de l’enfant, selon son stade de développement, et d’autre part, son désir à faire une découverte de la vie. L’outil doit répondre à ces besoins spécifiques. Avec un peu d’entraînement, il est possible d’amener un enfant à focaliser sur le développement d’une aptitude précise. À force d’observer son enfant, on réalise qu’il a une soif pour découvrir la vie à travers l’expérimentation. Lorsque l’on parvient à identifier son intérêt et que l’on respecte son stade de développement, il est possible de l’amener à se concentrer. Dans son livre « Vivre la pensée Montessori chez soi », Emmanuelle Opezzo décrit bien cet état d’être qui est en quelque sorte l’état ultime du développement.
Aimez-vous vraiment les jouets commerciaux?
À quelques exceptions, les jouets commerciaux, surtout ceux qui sont associés à des marques commerciales de dessins animés, présentent un tas de défauts. Selon l’approche Montessori, ces défauts sont des entraves au développement de l’enfant.
Alors que l’on tente de faire avancer le développement de son enfant par l’exploration de sensations, la plupart des jouets offrent une sur-stimulation qui empêchent l’enfant de canaliser son attention sur une fonction précise de son développement. De plus, pourquoi a-t-on besoin de se procurer des imitations en petit format d’objets utilisés au quotidien? Alors que l’enfant nous voit manipuler des objets aucunement dangereux tel qu’un cul-de-poule ou une spatule, nous lui remettons une imitation en plastique de mauvaise qualité! Avez-vous vraiment peur de ruiner votre cul-de-poule? Il faut faire confiance à ses enfants.
Sont-ils vraiment nécessaires tous ces jouets?
Pour mon second congé parental, nous sommes partis en famille à l’aventure en Europe en camping-car. Devant voyager léger, nous avons opté pour une limite de trois jouets pour chacun de nos enfants pour un total de 6 jouets dans nos bagages. Notez que nous étions partis trois mois et avons visité 17 pays sur 10,000 km! En bout de ligne, nous avons constaté que les enfants n’ont pratiquement pas joué avec leurs jouets. À la plage, des contenants « Tupperware » faisaient amplement le travail, alors que souvent pendant nos soirées, un trousseau de clés méritait le statut du meilleur jouet! Ultimement, nous avons réalisé à quel point il est bénéfique d’encourager les enfants à explorer leur environnement, qui évidemment était différent de celui de la maison. Après trois mois en camping-car avec nos enfants, nous avons certainement pu observer et apprécier leur soif d’explorer.
De retour à la maison, nous avons débuté la pratique de la rotation des jouets afin de maintenir une impression de nouveauté, tout en limitant la quantité disponible. Nous avons tenté de cibler le bon jouet à fournir. Malgré cela, nous avions quand même l’impression de constamment faire du ménage. En plus, il nous apparaissait évident que les enfants ne s’intéressaient pas aux jouets comme nous les avions vu s’intéresser aux découvertes qu’ils faisaient en voyage.
Nous avons débuté la lecture d’ouvrages sur l’approche Montessori et nous avons réalisé à quel point la plupart des jouets que nous avions n’étaient pas nécessaires. En fait, pour être plus précis, ils étaient carrément une nuisance! Maria Montessori préconisait les jouets (ou des objets) permettant le développement sensoriel de 0 à 3 ans. Ensuite, de 3 à 6 ans, elle préconisait les activités de découverte de la vie quotidienne. Pour ce faire, l’utilisation d’objets de la vie quotidienne était priorisée plutôt que l’utilisation des jouets.
Nous avons donc entamé un processus de désencombrement!
Le processus à suivre
La démarche de désencombrement de jouets que nous avons utilisée n’a rien de compliquée et requiert peu de temps. Nous avons essayé deux options : avec et sans les enfants. Avec les enfants, tous les jouets de l’armoire du salon ont été sortis au milieu de la pièce. Nous avons expliqué que nous désirons nous débarrasser de jouets pour les donner à d’autres amis. Le salon est rapidement devenu un désastre suite à un regain momentané d’intérêt pour des jouets oubliés.
C’est alors que nous avons fait un premier tri sans eux. Les jouets brisés, incomplets et en plastique de piètre qualité ont pris la direction de la récupération. Ensuite les jouets évolutifs ou visant plusieurs compétences ont été mis de côté. Ces jouets, souvent trop complexes, ne répondent pas aux besoins de l’enfant et ne leur permettent pas de se concentrer sur un seul objectif. Puis, les jouets sonores ont également été mis de côté. Les enfants s’en servaient peu. Les sons émis par ces jouets sont agressant pour les parents, donc possiblement pour les enfants aussi. Si un jouet vous agresse, allez-vous vraiment envisager entendre ce bruit agaçant qui sort d’un haut-parleur de piètre qualité à votre retour d’une longue journée de travail? Curieusement, ce premier tri n’a eu aucun impact négatif sur nos enfants. Ce n’était probablement pas leurs jouets préférés!
Par la suite, nous avons catégorisé les jouets restants en fonction de la compétence sollicitée. Par exemple, un jouet de développement sensoriel peut travailler la manipulation, alors qu’un autre peut tout simplement faire découvrir des textures. D’autres types de jouets peuvent cibler des associations ou la dextérité plus avancée, etc. Nous avons demandé aux enfants de nous aider avec le restant des jouets. Contrairement à ce que nous avions pensé, donner aux suivants n’a pas été un problème. Mieux encore, depuis ce temps, notre fille de 2 ans mentionne régulièrement qu’elle veut donner un jouet ou un vêtement à un ami qui s’en servirait davantage. En répétant l’exercice à quelques jours d’intervalle avec des séries de jouets classifiés, la quantité de jouets a encore diminué.
La vie quotidienne avec peu de jouets
À ce jour, tous les jouets de nos enfants se rangent dans trois sacs d’épicerie, pas plus. Cela exclut les livres dans les chambres des enfants et les toutous. Chaque sac contient huit jouets permettant de travailler différentes compétences. Certains visent la motricité fine, d’autres visent le développement des sens, etc. Les jouets en circulation sont disposés dans une étagère compartimentée en huit cases, toutes accessibles aux enfants en tout temps. Après l’utilisation d’un jouet, l’enfant le range avant de sortir un autre. Cela peut sembler impossible à accomplir mais en suivant un accompagnement rigoureux, montrant l’exemple, accompagnant les séances de jeux, ça devient naturel. Après une semaine ou deux, les jouets sont rangés dans un sac et une rotation est faite. Vous comprendrez donc que les enfants sont plus autonomes et que nous, les parents, ne passons plus une seule minute de notre temps à ramasser une fois que les enfants sont couchés.
Le plus gros défi dans tout ceci: gérer son entourage
Commençons par une question simple : combien de jeunes parents que vous connaissez limitent la quantité de jouets accessible à huit en tout temps? C’est vraiment rare. Seconde question, tout aussi simple : combien de jouets avez-vous acheté et combien vous ont été donnés? À mon avis, presque tous les ménages ont reçu davantage de jouets qu’ils n’en ont acheté eux-mêmes!
La vérité est que la gestion de son entourage est probablement le point le plus complexe dans tout ce processus. Dans la plupart des cultures, offrir un cadeau est une marque de reconnaissance et le refuser est une insulte ou cause de sérieux malaise. Les gens veulent tellement nous « aider » et nous soutenir dans notre aventure de jeunes parents. Je me rappelle moi-même avoir donné plusieurs fois des jouets en cadeau avant de découvrir Montessori. Que pouvons-nous donc faire avec ces grands-parents, ces parrains et marraines qui ne veulent que faire plaisir à nos enfants?
Je me rappelle de la visite du parrain et de la marraine de notre fille il y a quelques mois. Ce sont certainement des parents aguerris, ayant trois merveilleux enfants, que nous prenons souvent comme source d’inspiration. Mais pour les jouets, nous avons choisi une approche différente. Nous savions qu’ils arrivaient avec la voiture pleine de bacs remplis de choses à donner. Nous avons donc expliqué notre processus et nous avons convenu que l’un de nous irait trier les jouets dans la voiture avant de les décharger et les exposer aux enfants. Nous avons choisi de laisser seulement certains objets entrer dans notre maison. Le processus de choix était gagnant et personne n’a été offusqué. Quand les ressources sont abondantes, nos choix sont souvent basés sur la disponibilité et non la nécessité. Ce principe est largement discuté à d’autres niveaux dans le livre de Pierre-Yves McSween : « En as-tu vraiment besoin? »
Nos conseils sont donc de bien expliquer le processus que nous suivons au niveau des jouets à tout notre entourage, surtout avant les anniversaires et les fêtes des enfants. Il est essentiel de garder une liste bien dynamique d’items dont nous pensons réellement avoir besoin, sans toutefois nous faire tenter d’aller au magasin les acheter immédiatement. Un peu de patience et certains arriveront en cadeau. Il ne faut pas se gêner d’être prescriptif avec son entourage. Il est beaucoup plus intéressant de donner un cadeau utile, mais encore faut-il savoir ce dont les enfants ont besoin. À ce sujet, nous préparons un article sur ce que nous considérons essentiel. Mais prenez garde. Il faut oser imposer un certificat cadeau ou un vêtement nécessaire plutôt qu’un jouet!
Les bénéfices de notre gestion des jouets
Il n’y a pas de doute. Nous pouvons affirmer que notre décision de limiter la quantité de jouets que nos enfants ont a été bénéfique pour toute la famille. Il y a tant d’avantages à suivre ce processus; nous réalisons encore de nouveaux bénéfices plusieurs mois après l’implantation de cette méthode! Voici quelques bénéfices :
- Les jouets des enfants occupaient l’espace d’un grand placard et de quelques tiroirs avant, alors que maintenant ce sont quelques sacs et huit casiers dans notre meuble de salon.
- L’approche Montessori est clairement gagnante pour un enfant. Les périodes de concentration se multiplient et sont de plus en plus longues. Il est tellement plaisant de voir son enfant se concentrer à réussir une tâche, un geste, un défi…
- Nos enfants ont assimilé la notion du partage, d’une part avec d’autres et d’autre part entre eux. Avec peu de jouets en circulation, ils se respectent d’avantage l’un l’autre.
- Sans avoir l’air d’un Séraphin, l’économie d’argent est importante dans tout ceci et à plusieurs niveaux. D’une part, nous ne pigeons pas dans notre porte-monnaie pour des choses, et d’autre part, les cadeaux reçus des autres comblent nos réels besoins.
- À la base, nous avions entrepris la réflexion sur les jouets après avoir constaté le temps fou que nous passions à les ramasser. Le temps gagné est certainement un gros bénéfice à nos yeux. Si vous économisez 30 minutes par jour, cela correspond à plus de temps qu’on vous pouvez allouer annuellement à vos vacances! Tout ceci mène à une famille plus zen et plus heureuse qui passe maintenant beaucoup plus de temps à simplement rire et à apprécier chaque petite activité faite ensemble.
Les étapes en résumé
1. Avisez votre entourage, notamment les grands-parents, que vous entreprenez ce processus. La meilleure façon d’y arriver à mon avis est de les informer précisément des besoins que vous avez. Encouragez-les à combler uniquement ceux-ci.
2. Observez vos enfants afin de déterminer où ils sont rendus dans leur développement, dans quelle période sensible ils se trouvent (article à ce sujet à venir). L’observation doit faire partie du quotidien de chaque parent. Je recommande de dédier du temps à cela, car une bonne observation ne se fait pas en parallèle avec une autre tâche!
3. Faites un premier tri des jouets incomplets, en mauvais état (déteints, cassés…) et débarrassez-vous de ceux-ci en priorité.
4. Sans prendre tous les jouets d’un seul coup (triez par catégorie), planifiez plusieurs activités avec vos enfants pendant lesquelles ceux-ci vont déterminer quels jouets ils veulent donner à d’autres enfants.
5. Identifiez une zone non accessible aux enfants où les jouets hors circulation seront entreposés. Identifiez ensuite la zone de votre domicile où les jouets en circulation seront laissés à la disposition des enfants en tout temps.
6. Organisez l’espace accessible en utilisant des casiers pour présenter un jouet par case. À partir de là, il faut développer la discipline des enfants. Il faut prendre un seul jouet à la fois et le ranger aussitôt qu’il n’est plus utilisé. Pour cette phase, il faut prévoir de l’accompagnement, mais avec 6 à 8 jouets accessibles à la fois, c’est beaucoup plus facile qu’avec plusieurs bacs désordonnés.
Ma femme et moi sommes tous les deux ingénieurs. Ne serait-ce que par notre profession, nous sommes plutôt rigoureux, organisés et structurés. Cette démarche nous a donné facilement 30 minutes de plus de temps libre tous les jours! Suivez nos conseils. C’est simple, et vous gagnerez ce temps précieux quotidiennement. Ensuite, je vous invite à passer ce temps précieux avec vos enfants, puisque leur développement est encore plus précieux!